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 XAVIER DIATTA

XAVIER DIATTA

Politique,Social, Economique


LES BONNES FEUILLES (FIN) :DEUXIEME PROCES.

Publié par Xavier DIATTA sur 18 Avril 2017, 12:14pm

image d'illustration

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Le 18 décembre 1985 s’ouvrait le deuxième procès des « indépendantistes casamançais »Le Journal Fagaru en fit un résumé des plus fidèles de l’évènement :

« Le procès des détenus politiques casamançais a commencé depuis lundi 18 Décembre 1985. Ce sera assurément le plus long procès du Sénégal indépendant.

En effet 105 prévenus dont une femme vont défiler devant la barre, poursuivis pour plusieurs chefs d’inculpation : participation à un mouvement insurrectionnel, atteinte à la sûreté de l’état et à l’intégrité nationale, constitution d’associations illégales, violences et voies de faits sur des agents de la force publique avec intention de donner la mort, tentative de faire fonctionner une association sans enregistrement préalable ni autorisation, meurtres avec préméditation, et détention illégale d’armes pour certains. Selon le quotidien le Soleil, tous ces délits sont passibles de peines d’emprisonnement allant de dix ans à la peine capitale. Cent cinq prévenus dont une femme, seule, Saoudiatou Manga dite Jeannette (Dienaba Manga) dont le seul crime est d’être l’épouse de Sirifo Bassène. Une femme de vingt-neuf ans, altière, sereine, répondant avec beaucoup de courtoisie aux questions du Président, mais une femme qui a beaucoup appris sous la torture et en prison. Face à son destin, elle a compris qu’elle est victime d’une grande machination. La vérité, elle l’a découverte sous le fer rouge martyre.

Il est environ dix heures quand le Président Aly Ciré Ba accompagné de deux militaires que nous avions considérés au début comme assurant sa sécurité ouvrit la séance. Les deux militaires sont des assesseurs !!! Surprise !!! Les cent cinq prévenus sont là. Les avocats s’affairent.

 Dès le début, ils attaquent et soulèvent des exceptions de nullités difficiles à enjamber. Pour la défense, la composition de la cour n’est pas conforme aux dispositions de la loi 73-47 du 4 septembre 1973 selon lesquelles ne peut être membre de la cour de sûreté de l’État, tout sénégalais âgé d’au moins 30 ans et jouissant des droits civiques et politiques.

Or le Président est entouré des Colonels Mbodj de l’armée nationale et Mamadou Diop de la légion de la Gendarmerie d’Intervention. Ces deux ne jouissent pas de droits civiques et politiques. La cour est donc incompétente à siéger. Un décret de nomination de la cour a-t-il été pris ? Les assesseurs ont-ils prêté serment ? La défense peut-elle prendre connaissance du PV de prestation de serments ? Il y a également le non-respect des délais de garde à vue, l’absence de visite médicale pour les détenus, la-non commission d’interprète assermenté. Le Président a tout simplement joint ces exceptions au fond du dossier.

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Puis ce fut au tour de Saoudiatou Manga, la seule femme du groupe. Âme sensible s’abstenir !

Saoudiatou dite Dienaba Manga alias Jeannette, 29 ans, ménagère, épouse de Sirifo Bassène est la seule femme parmi les cent cinq détenus qui comparaissaient ce jour-. Tranquille, la voix claire et assurée, elle ne sembla pas intimidée par la présence de tous ces hommes. Calmement, elle répond aux questions du Président en demandant chaque fois l’autorisation (Puis-je répondre Monsieur Le Président ?

« Je nie les faits qui me sont reprochés, j’ai été arrêtée chez moi, la nuit après le dîner. Je venais de faire coucher les enfants. Les gendarmes ont frappé à la porte et m’ont demandé de sortir. Ils sont entrés, et ont commencé à fouiller toute la maison, ils ont pris mon extrait de naissance, les photos de famille, la carte d’identité de mon mari, le poste combiné, mes sacs, le peu d’argent qui me restait pour la nourriture de la famille, puis m’ont embarquée dans le véhicule.

Arrivés à la gendarmerie, ils m’ont demandé si j’étais la femme de Sirifo Bassène, j’ai dit oui. Je leur ai dit qu’il était en campagne de pêche au Cap Skiring. Ils m’ont demandé alors si je savais quelque chose des événements. J’ai dit pas grand-chose à part ce qui se dit à la radio.

Alors commencèrent les tortures. J’ai été battue, mise toute nue. On m’a pendue par les bras et on m’a enfoncé un gourdin dans le sexe. J’ai beaucoup souffert. J’ai souffert comme jamais aucune femme de ce pays n’a souffert dans sa chair et dans son cœur. J’ai été humiliée.

Il m’est impossible de décrire ce qui m’est arrivé. Sous la torture, j’ai eu peur pour ma vie, mais surtout pour la vie de l’enfant que je portais dans mon ventre car j’étais en état de grossesse et j’en avais averti les gendarmes. Quand ils furent assouvis de me tabasser, ils m’ont laissée tomber et c’est en ce moment que j’ai commencé à saigner du bas et j’ai compris que je venais d’avorter (murmures d’indignation dans la salle, des femmes pleurent, touchées par les révélations de Saoudiatou).

Monsieur Le Président si vous permettez que je continue, depuis ce jour je souffre, je n’arrive plus à me tenir longtemps debout. On m’a conduite auprès des chinois de l’hôpital Silence de Boudodi qui  ont conseillé de m’emmener voir un spécialiste. Je n’ai jamais été assistée par un médecin. Mon mari et moi, nous nous sommes retrouvés en prison, simplement parce que je suis sa femme. (Murmures d’indignation dans la salle). »............................................................................................................................................

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