LES RAISONS DE MA DEMISSION DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DE ZIGUINCHOR

Conseil Départemental de Ziguinchor

Le lundi 25 Avril 2016, j’ai déposé ma lettre de démission du Conseil départemental de Ziguinchor.

Cette institution née de l’Acte III de la décentralisation me paraissait un formidable cadre de participation citoyenne à la prise en charge des affaires de la Cité, surtout que j’avais été choisi pour animer la sous-commission Santé et Population.

Après deux années de tergiversations, je me suis résolus d’accepter que l’essence même de la réforme (l’émergence locale à partir de la base) n’est ni comprise, encore moins possible. Avec en prime une confusion manifeste et palpable entre le mandat d’élus et la corporation de fonctionnaires départementaux. Trop de questions restent à ce jour sans réponse à mon niveau:

Comment pouvons-nous insuffler une nouvelle dynamique de développement pour notre département lorsque nous ne sommes pas capables en deux ans d’activités d’élaborer un Plan Stratégique de Développement pour le Département, balise et glide de notre ambition ?

Comment pouvons-nous prétendre, améliorer la vie de nos concitoyens si nous ne sommes pas capables de comprendre qu’il nous revenait à nous, élus locaux de légiférer sur l’orientation de toutes les politiques sectorielles de développement local?

Comment comprendre que notre filière-phare qu’est l’anacarde soit si désarticulée au point que les traders indiens accèdent directement avec des espèces sonnantes et trébuchantes aux producteurs inexpérimentés et abandonnés dans la jungle de la spéculation des matières premières, court-circuitant en passant une importante frange de jeunes casamançais, en quête de travail, qui saisonnièrement s’érigeait en intermédiaires le temps d’une Campagne sans qu’aucune institution locale ne s’en émeuve ?

Comment devrions-nous être considérés, nous, élus du peuple lorsque nous ne cherchons pas la bonne information à relayer à nos mandants pour justifier la fermeture de la frontière sénégalo-gambienne qui entraine la surenchère des denrées de première nécessité ? Devons-nous continuer à nous prévaloir représentants du peuple quand on sait que nous ne cherchons même pas à recueillir le ressenti et le vécu de ces mêmes populations ?

Comment expliquer notre passivité quand nos deux hôpitaux (Hôpital Régional et Hôpital de la Paix) relevant de notre domaine de compétence soient gérés en dehors du cadre légal sans même que nous ayons un droit de regard ? Une dame me disait : « Pour mon opération, des infirmiers m’ont déshabillée devant des patients et autres accompagnants dans le couloir, puis l’on m’a fait acheter beaucoup plus de médicaments que je n’en avais besoin. Regarde ce carton rempli de solutés et autres consommables (gants, cathéters, seringues etc…), il y en a pour 75 000 F de produits non utilisés….. » Il est clair que nous n'aurions pas la prétention de devenir les gendarmes des praticiens, mais au moins un tel cas aurait été discuté et recadré en Conseil d'administration dudit hôpital.

Comment accepter que, des milliers de jeunes deviennent des apatrides dans leurs propres villages ou villes simplement parce que des officiers d’Etat Civil véreux avaient délivré de faux documents à leurs parents quelques années auparavant et sans qu’aucune action ne soit menée par les élus qui avaient promis de solutionner cette scabreuse situation en portant le débat là  où cela devrait se passer? Je revois encore ce jeune garçon en Master complètement découragé de la vie car il ne dispose plus d’aucune identité, ses diplômes nuls simplement parce qu’au moment du renouvellement de sa pièce d’identité, il s’est entendu dire qu’il lui fallait annuler son extrait de naissance car il était un faux.

Comment expliquer que dans toutes les situations, un Conseil Départemental ne se justifie que par une rengaine devenue un refrain : « le manque de moyens » alors qu’il lui revenait de trouver ces mêmes moyens ? Incompétence ou manque de vision ?

Comment un Conseil Départemental digne du nom devrait-il attendre uniquement les fonds de dotations pour se les partager en salaires et perdiems de session ? Notre manque d’ambition avait été mis à nu lors de notre session d’orientation budgétaire : moins de 325 Millions de budget annuel ! Oui rien que ça, pour bâtir une collectivité, juste le montant que l'Etat devait verser.

Comment expliquer qu’à l’ère du numérique, le site internet de cette institution ne soit pas fonctionnel en deux ans de mandature ? Allons sur une page de notre site : http://cdziguinchor.org/-Attributions-.html .

Je pourrais continuer sans être exhaustif dans ma liste de questionnements……

Surtout ne vous avisez pas à contacter un responsable par les adresses e-mails de l’institution, il n’y a personne au bout.

Dou niou dem* !!!! Dirait la jeune génération. L’ancien Conseil Régional libéral a fait mieux que sa descendance. La norme qui voudrait que la gestion de la cité reposât sur une trilogie (une idéologie, un projet de Société et un programme) est foulée au pied par ce Conseil Départemental de Ziguinchor car aucune de ces trois composantes vitales pour un probable développement du département n’est perceptible.

N’ayant pas l’autorité de mettre tout le Conseil Départemental de Ziguinchor en Délégation Spéciale pour le reste du mandat, ultime recours pour sauver ce qui pourrait encore l’être, je me retire du sacerdoce, car même de l’intérieur, je suis inutile. Je souhaite simplement que cette institution départementale bénéficie de l’indulgence de la loi pour qu’elle ne soit pas rattachée à la collectivité la plus proche comme le stipule la loi, et laisser le temps au temps pour qu’une autre législature prenne véritablement en charge, les destinées de ce beau département si riche et si pauvre.

A ceux qui avaient placé leurs espoirs en moi, je présente tous mes regrets. Qu’ils sachent que c’est par respect pour eux que je quitte le collège tout en continuant à œuvrer pour le changement et l’amélioration du quotidien de nous tous y compris moi-même. Je suis cependant confiant quant à l’avenir car si d’autres Départements émergent, le nôtre peut le faire aussi.

Xavier DIATTA,

Ex président de la Sous-Commission Santé et Population

Conseil Départemental de Ziguinchor.